Dialogues de vieilles dames

– Ah ma fille, tu es enfin venue !
– Je suis désolée madame, mais je ne suis pas votre fille.
– Ça me fait tellement plaisir que tu sois là ma fille.
– Je suis sure que votre fille viendra vous voir bientôt, madame. Je repasserais vous dire bonjour tout à l’heure.
– Tu es enfin venue ma fille !
– Je dois aller voir ma mère Madame. Venez, je vous fais un câlin avant de partir.
– Que faisiez vous avant madame ?
– Sort moi de la !
– J’étais pilote de ligne.
– Tu es enfin venue ma fille !
– Je conduisais l’avion du président de la république.
– J’ai mal au dos. J’ai mal, j’ai mal, j’ai mal au dos…
– Vous avez de la famille ?
– Mon mari est ingénieur. Quand reviendra-t-il ? Mon mari est ingénieur. Je ne sais pas quand il reviendra. J’ai peur. J’ai peur. J’ai peur. Mon mari est ingénieur. J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur, mon mari est ingénieur. J’ai peur….
– Comment allez vous mesdames les roses ?
– Tiens, voilà mon père qui rentre !
– Ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est…
– C’est que nous sommes au Casino. Je suis en train de faire une cure thermale. J’ai de la chance, car si tout les autres ont des rhumatismes, moi, je n’en ai aucun.
– Comment allez vous mesdames les roses ?
– Sort moi de la !
– J’ai été enchantée de faire votre connaissance mesdames les roses.
– Tu ne veux pas dormir avec moi ma fille ?
– Nous sommes très inquiètes. Nous avons fait nos valises pour prendre le train demain pour retrouver nos parents. Mais nous ne savons pas qui va nous accompagner. Pouvez vous nous renseigner ?
– Sort moi de là !
– Ne vous inquiétez pas madame, tout est organisé ici.
– C’est qu’on nous attend dans nos famille !
– Sort moi de la !
– Ne vous inquiétez pas mesdames. On vous accompagnera. Tout est organisé.
– Comment allez vous mesdames les roses ?
– Merci de nous rassurer. Vous m’ôtez un poids. J’étais très inquiète.
– Vous êtes très belle madame. C’est une femme qui vous le dit.
– Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman…
– J’ai dit à mon fils que j’avais rencontré une dame.
– Vous le connaissez son fils ?
– Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman…
– Toutes ces personnes que nous voyons autour de nous m’attendent pour dîner car voyez vous, c’est moi qui dirige la résidence. Mais comment vais je faire pour organiser tout cela. Je n’y arrive plus.
– Ce n’est pas grave ! Moi aussi, autrefois, j’ai reçu beaucoup de monde. J’ai du tout arrêter à cause de mon cœur. On est ici, entre voisins et voisines et chacun se débrouille. Parfois je me prépare le déjeuner. Parfois je mange un sandwich. Parfois je ne mange pas.
– Je dois vous avouer une chose madame : je perd un peu la tête. Je ne sais plus bien où j’en suis. Voyez toutes ces personnes autour ! Je dois organiser le dîner pour elles, mais je n’y arrive plus. Je ne sais plus comment faire.
– Tu es enfin venue ma fille. Sort moi de la !
– Ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est…
– Vous êtes trop bonne madame.
– Au secours, au secours…
– Tu ne veux pas t’allonger auprès de moi ma fille ?
– Vous m’emprisonnez et vous voudriez que je soit consentante.
– Ah, Madame, vous n’êtes pas seule à perdre la tête, mais ce n’est pas grave. Moi aussi, j’organisais tout avant, mais j’ai du arrêter à cause de mon cœur.
– J’ai été enchantée de faire votre connaissance mesdames les roses.
– C’est que je perd un peu la tête. Comment cela va-t-il se passer sans moi pour le dîner ?
– Moi aussi je perd la tête. C’est à cause de mon cœur. Mais ce n’est pas grave. On a assez travaillé !

© Isabelle Forestier