Pour un dessin

Pour un dessin.

Il y a dix ans déjà, nous découvrions avec horreur qu’une partie de l’équipe du journal satirique Charlie Hebdo venait d’être assassinée,

Pour un dessin ?

S’il y a deux millénaires les premiers chrétiens ont été martyrisés pour leur foi, s’ils ont glorifié leurs martyres, si en Europe ils se sont ensuite entretués, si au siècle passé une partie des juifs ont été exterminés pour leur croyance, cela semblait une époque honteuse de notre histoire, mais heureusement révolue. Archaïque ! Au 21e siècle, nous comprenions qu’ailleurs des humains se battaient toujours pour la terre, pour le pétrole, pour la lutte des classes, pour la survie en somme, et occasionnellement en notre faveur, ce qui pouvait apparaître comme cause d’injustice et de guerre contre nous. Mais comment, nous, pauvres occidentaux, pouvions nous concevoir que l’on s’entretue,

Pour un dessin ?

Je suis illustratrice. J’aime écrire aussi. Comment pouvais-je admettre que cette créativité qui contribue à donner sens à ma vie : « partager une émotion ou une pensée », puisse-t-être censurable selon certains au point qu’ils trouvent justifiable de causer la mort de mes semblables,

Pour un dessin ?

Alors j’ai dessiné.

Le grand cerf

SOLSTICE 2024

Viens, viens ! a chanté la Lune au Grand Cerf.
Viens, je t’offrirais des songes
Par milliers !
Il l’a suivie dans l’obscurité
Et il s’est endormi dans ses bras dorés.

Rêve ! a murmuré la Lune au Grand Cerf.
Rêve, pour toujours !
Tu oublieras le jour.
Et la nuit s’est répandue
Sur la neige.

Mais dans l’estomac du Cornu,
Attendait l’astre diurne.
Il chuchotait : veille, veille !
C’est mon tour.
L’animal a recraché le Soleil.
Et la lumière est revenue.

© Isabelle Forestier

 

 

Mademoiselle tout à l’envers (Pastel sec) – Hommage à l’illustrateur Philippe Corentin (1936-2022)

Quand c’est le jour,

Elle dort toujours.
Les pieds et la tête en l’air,
À l’endroit où à l’envers,
Elle se rêve en toboggan
Et se réveille de travers.
Mais vers le soir,
Quand vient l’espoir,
À l’envers ou à l’endroit,
Même si ce n’est pas la loi,
Elle festoie avec les rois
Et reines poètes du verlan,
Auxquels elle parle tout en vers.
C’est renversant !

© Isabelle Forestier

Texte et illustration conçus pour l’exposition de groupe « Scrogneugneu » en hommage à l’illustrateur Philippe Corentin (1936-2022) qui aura a partir du 4 juillet 2024 au Musée de l’Illustration Jeunesse de Moulins.
Mon poème et l’illustration sont inspirés librement  de la chauve-souris Chiffonnette, personnage central de l’album :
« Mademoiselle tout à l’envers »
publié aux éditions L’école des Loisirs.

Exposition de groupe « Le Décathlon d’Apollon » au château de Montsoreau.

Participation à l’exposition de groupe temporaire « Le Décathlon d’Appolon », portant le label Olympiade culturelle Paris 2024, au château de Montsereau -musée d’art contemporain du 14 juin au 11 août.

Avec :

« Rue du cherche Bonheur »

Hommage à mon cher ami Charles, grand savant spécialisé dans la recherche du bonheur dans le tréfond des âmes.

Le Décathlon d’Apollon au château de Montsoreau-musée d’art contemporain… Cliquer

 

 

Héritage

Un petit enfant rapté,
Mille autres sous les missiles.
Du sang gicle dans le ciel,
Un garçon tremble de tout ses membres.
Son père est resté sous les décombres.
Un autre, hurle, puis hébété,
Cherche des yeux sa jambe amputée.

Un petit enfant rapté,
À perdu son biberon.
Une fille aux yeux couleur charbon,
Remarque une chevelure
Émergeant d’une tonne de pierres.
Elle reconnaît celle de sa mère,
Avale l’horreur à pleins poumons.

Un petit enfant rapté
Tète goulûment son vêtement.
On gémit devant le plat fumant,
Agrémenté de chiendent.
La viande est dure sous la dent.
Maintenant, c’est le chat du voisin,
Mais lequel mangera-t-on demain ?

Un petit enfant rapté,
Sanglote comme tout les bébés.
Une femme, seins gorgés de lait,
Agrippe son nourrisson, poupée
Au teint pâle comme la craie,
Minuscule corps en linceul blanc,
Qui n’aura respiré qu’un instant.

Un petit enfant rapté
Survit seul, affamé, plusieurs jours
Entouré d’étrangers morts,
Sous un tunnel de béton armé,
Avant d’être écrasé à son tour.
La bas, sa famille l’attend encore.
Filles, fils d’ennemis, tous, ils meurent.

Tout au sommet de sa tour,
Le muezzin prie toujours,
La voix hachée par les larmes.
D’autres affûtent leurs longues lames,
Pendant que, loins des gravats,
Les puissants s’arriment à leurs sofas,
Jouant leurs sièges échecs et mat.

© Isabelle Forestier