Pour un dessin

Il y a dix ans déjà, nous découvrions avec horreur qu’une partie de l’équipe du journal satirique Charlie Hebdo venait d’être assassinée,

Pour un dessin ?

S’il y a deux millénaires les premiers chrétiens ont été martyrisés pour leur foi, s’ils ont glorifié leurs martyres, si en Europe ils se sont ensuite entretués, si au siècle passé une partie des juifs ont été exterminés pour leur croyance, cela semblait une époque honteuse de notre histoire, mais heureusement révolue. Archaïque ! Au 21e siècle, nous comprenions qu’ailleurs des humains se battaient toujours pour la terre, pour le pétrole, pour la lutte des classes, pour la survie en somme, et occasionnellement en notre faveur, ce qui pouvait apparaître comme cause d’injustice et de guerre contre nous. Mais comment, nous, pauvres occidentaux, pouvions nous concevoir que l’on s’entretue,

Pour un dessin ?

Je suis illustratrice. J’aime écrire aussi. Comment pouvais-je admettre que cette créativité qui contribue à donner sens à ma vie : « partager une émotion ou une pensée », puisse-t-être censurable selon certains au point qu’ils trouvent justifiable de causer la mort de mes semblables,

Pour un dessin ?

Alors j’ai dessiné.

Il a cinq ans

Il a cinq ans. Il regarde sa mère dormir. Elle est jolie. Elle est plus belle que toutes les mamans de ses copains. Quand elle rit, on dirait un oiseau qui chante. Si elle lui raconte une histoire, il se blottis sous son bras chaud, car ainsi, les méchants ne peuvent plus lui faire de mal. Elle sent le jasmin. Quand elle l’embrasse le soir avant le coucher, son petit cœur s’ouvre comme une fleur. Il l’aime même quand elle l’accompagne à l’école, ou lorsqu’elle le gronde. Maintenant, il voudrait faire une bêtise pour qu’elle se lève. Mais elle dort toujours et il n’ose pas. Tout est silencieux. Elle ne bouge pas. Elle ne respire pas. Il a peur de caresser sa joue. Elle dort les yeux ouverts. Ils sont très sombres et n’y a plus rien dedans, comme si elle n’habitait plus là. On lui dit qu’elle est morte. Ils sont Gazaouis.
© Isabelle Forestier