Les nuages pleurent.
Des crânes gisent à terre,
Enfants de la guerre.
Ils ont décapité mon cœur.
© Isabelle Forestier
Les nuages pleurent.
Des crânes gisent à terre,
Enfants de la guerre.
Ils ont décapité mon cœur.
© Isabelle Forestier
Un jour de mars, ma petite Maman,
Je n’ai pas pu t’accompagner.
J’espérai encore serrer ta main.
Tu es partie toute seule, sans câlin,
Demi-orpheline, comme tu es née.
Posé sur une branche d’arbre fleurie,
La tête dans le ciel bleu,
Ce jour de mars, un oiseau pépie.
C’est la guerre ! L’ennemi se tapi,
Invisible pour les yeux.
Ce jour de mars, ma petite Maman,
Ma paume, sent toujours tes doigts ridés.
Tu avais si peur, tu m’étreignais.
Tu croyais qu’on t’abandonnait.
Je n’ai pas su te rassurer.
Je te revoie, j’étais enfant,
Tu tenais dans une main alors douce
Un bouquet comme la branche fleurie,
Et tout bleu, comme le ciel d’aujourd’hui.
Je te prenais pour une déesse.
Tu n’étais pas souvent là.
Tu préférai Papa !
Un jour, tu me l’as dit.
As tu vraiment choisit ?
Je n’en ai voulu qu’à lui.
En secret, tu calmais ses colères,
Ses propos malvoyants,
Ses humeurs meurtrières.
Ce jour de mars, ma petite Maman,
J’ai pardonné, il y a longtemps.
A ta façon distante,
Tu était si aimante !
En montagne, dans les chemins et pentes,
Tu guidais les gens à travers bois,
Ailleurs, des couples en plein désarrois.
Tu as subit de violentes tempêtes.
Tu as maintenu la tête haute,
L’esprit calme et un placide visage.
Peines et deuils te laissaient droite.
Qui aurait cru en ton naufrage ?
Posé sur une branche d’arbre fleurie,
Un jour de mars, un oiseau pépie,
La tête dans le ciel bleu.
Son chant te porte-t-il vers un dieu ?
Je t’aime, petite Maman chérie !
© Isabelle Forestier
J’aime les chats !
Lorsque ma voisine, me demande si je pourrais garder sa chienne quelque jours, je pense :
« J’aime tout les animaux en principe ! »
J’accepte donc de l’accueillir chez moi.
Sultane est grande, grasse et trapue. Son pelage dru ressemble à un tapis brosse qu’on aurait repassé. Sa tête massive, couverte de rides, ses sourcils froncés, son expression renfrognée, laissent penser que le monde entier lui déplaît… à commencer par moi. Elle est moche !
J’aime les chats.
« Elle est très douce, dit la voisine ! »
Alors, la chienne descend l’escalier sur le derrière.
« Elle a des vers, je pense…. Mais j’aime tout les animaux… en principe. »
– Elle est très calme. Elle dort beaucoup, dit la voisine. »
Quand même, se gratter l’anus devant moi, comme ça ! Quel manque de délicatesse !
J’aime les chats !
Deux jours après, Sultane s’installe dans mon appartement.
Pour l’accueillir, je lui donne de l’eau qu’elle lape à grand bruit et renverse en partie sur le plancher.
J’aime les chats.
Elle semble vouloir faire connaissance et jouer. Elle reste un moment à me regarder en jappant et remuant la queue. Elle insiste beaucoup. Les chiens, je n’ai pas trop l’habitude et je ne sais pas bien comment m’y prendre, surtout dans un appartement.
J’aime les chats.
Plus tard, nous sortons pour ses besoins. Il faut ramasser le résultat dans un plastique avant de le mettre dans une poubelle de rue. Il n’y a pas d’eau pour se laver les mains ensuite.
J’aime les chats.
Elle n’avance pas vite. Il lui faut renifler toutes les traces d’urine des trottoirs du quartier ! Il y en a beaucoup. Je n’avais pas remarqué auparavant la complexité de ce paysage abstrait formé par ces coulures au sol.
J’aime les chats.
Nous rentrons et elle s’installe sur son coussin. Elle dort… longtemps.
« J’aime tout les animaux… en principe. Je vais la dessiner ! Un animal qui dort, c’est un super modèle car elle ne bougera pas ! »
Je prend mon carnet de croquis et un feutre. Je remarque la symétrie de ses rides, la force de ses muscles, les courbes de son corps, l’élégance de ses attitudes. Elle est belle finalement !
Une animal qui dort, ça bouge sans cesse. Il faut donc aller vite. Sa tête s’affale sur le coussin, la peau de ses babines s’étale mollement. Son grand corps déborde de toutes part. Je la trouve drôle enfin.
De temps à autre, elle ouvre ses paupières et me regarde avec ses bons yeux. Leurs pupilles sombres sont ouvertes sur des iris bruns-roux, presque transparents, candides. Je m’étonne qu’ils soient si incroyablement tendres. Ils ont a l’air de dire :
« Qu’est ce que tu fais là, à me regarder sans cesse ? Est ce que tu m’aimes ? »
J’ai l’impression qu’elle me sourit.
Un jour, on vient la chercher. En sortant, elle se retourne plusieurs fois vers moi avec un air triste. Puis, elle refuse de sortir de mon appartement ! Alors, je la raccompagne chez elle et la caresse longuement avant de la quitter.
Je me demande comment j’ai pu la trouver moche.
J’aime les chiens.
©Isabelle Forestier
– Ah ma fille, tu es enfin venue !
– Je suis désolée madame, mais je ne suis pas votre fille.
– Ça me fait tellement plaisir que tu sois là ma fille.
– Je suis sure que votre fille viendra vous voir bientôt, madame. Je repasserais vous dire bonjour tout à l’heure.
– Tu es enfin venue ma fille !
– Je dois aller voir ma mère Madame. Venez, je vous fais un câlin avant de partir.
– Que faisiez vous avant madame ?
– Sort moi de la !
– J’étais pilote de ligne.
– Tu es enfin venue ma fille !
– Je conduisais l’avion du président de la république.
– J’ai mal au dos. J’ai mal, j’ai mal, j’ai mal au dos…
– Vous avez de la famille ?
– Mon mari est ingénieur. Quand reviendra-t-il ? Mon mari est ingénieur. Je ne sais pas quand il reviendra. J’ai peur. J’ai peur. J’ai peur. Mon mari est ingénieur. J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur, mon mari est ingénieur. J’ai peur….
– Comment allez vous mesdames les roses ?
– Tiens, voilà mon père qui rentre !
– Ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est…
– C’est que nous sommes au Casino. Je suis en train de faire une cure thermale. J’ai de la chance, car si tout les autres ont des rhumatismes, moi, je n’en ai aucun.
– Comment allez vous mesdames les roses ?
– Sort moi de la !
– J’ai été enchantée de faire votre connaissance mesdames les roses.
– Tu ne veux pas dormir avec moi ma fille ?
– Nous sommes très inquiètes. Nous avons fait nos valises pour prendre le train demain pour retrouver nos parents. Mais nous ne savons pas qui va nous accompagner. Pouvez vous nous renseigner ?
– Sort moi de là !
– Ne vous inquiétez pas madame, tout est organisé ici.
– C’est qu’on nous attend dans nos famille !
– Sort moi de la !
– Ne vous inquiétez pas mesdames. On vous accompagnera. Tout est organisé.
– Comment allez vous mesdames les roses ?
– Merci de nous rassurer. Vous m’ôtez un poids. J’étais très inquiète.
– Vous êtes très belle madame. C’est une femme qui vous le dit.
– Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman…
– J’ai dit à mon fils que j’avais rencontré une dame.
– Vous le connaissez son fils ?
– Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman, Maman…
– Toutes ces personnes que nous voyons autour de nous m’attendent pour dîner car voyez vous, c’est moi qui dirige la résidence. Mais comment vais je faire pour organiser tout cela. Je n’y arrive plus.
– Ce n’est pas grave ! Moi aussi, autrefois, j’ai reçu beaucoup de monde. J’ai du tout arrêter à cause de mon cœur. On est ici, entre voisins et voisines et chacun se débrouille. Parfois je me prépare le déjeuner. Parfois je mange un sandwich. Parfois je ne mange pas.
– Je dois vous avouer une chose madame : je perd un peu la tête. Je ne sais plus bien où j’en suis. Voyez toutes ces personnes autour ! Je dois organiser le dîner pour elles, mais je n’y arrive plus. Je ne sais plus comment faire.
– Tu es enfin venue ma fille. Sort moi de la !
– Ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est, ça y est…
– Vous êtes trop bonne madame.
– Au secours, au secours…
– Tu ne veux pas t’allonger auprès de moi ma fille ?
– Vous m’emprisonnez et vous voudriez que je soit consentante.
– Ah, Madame, vous n’êtes pas seule à perdre la tête, mais ce n’est pas grave. Moi aussi, j’organisais tout avant, mais j’ai du arrêter à cause de mon cœur.
– J’ai été enchantée de faire votre connaissance mesdames les roses.
– C’est que je perd un peu la tête. Comment cela va-t-il se passer sans moi pour le dîner ?
– Moi aussi je perd la tête. C’est à cause de mon cœur. Mais ce n’est pas grave. On a assez travaillé !
© Isabelle Forestier
Je n’aime pas me lever trop vite le matin.
J’aime vagabonder dans des pensées en liberté, sentir le poid de la couette sur ma peau, et celui de mon corps sur le matelas.
Je n’aime pas sortir de mon lit sans m’être blottie dans les bras de mon amoureux.
J’aime quand le soleil plonge dans l’obscurité lorsque je remonte les stores.
J’aime m’assoir devant un thé avec des tartines beurrées en regardant ma dernière peinture.
Je n’aime pas quand les couleurs jurent.
J’aime déposer sur le papier un peu de carmin, du vermillon, un cadmium, une touche de pourpre… Continuer la lecture de « J’aime le jour, la nuit »
Elle a un an,
ou peut être cinq ans
et la peau parcheminée,
ou satinée de l’Autre,
contre la sienne la rassure.
Elle a sept ans, l’âge de raison,
et on l’accuse de n’être pas raisonnable. Continuer la lecture de « Elle a un an… »