L’écrivain, comédien et spécialiste de la BD Numa Sadoul parle de « Hommage aux femmes anonymes du RER »

Numa Sadoul, écrivain, comédien et spécialiste de la Bande Dessinée française parle sur Facebook de l’album « Hommage aux femmes anonymes du RER » :

« Isabelle Forestier : HOMMAGE AUX FEMMES ANONYMES DU RER est un bien joli livre d’images paru chez Tartamudo Editions.
Ce n’est pas de la BD, c’est une galerie de portraits de femmes que l’autrice a croquées et souvent interviewées au gré de ses allers-retours de Paris à la banlieue.
Chaque portrait est accompagné d’un commentaire plus ou moins long qui situe pour nous les modèles et s’interroge sur les destinées qui palpitent derrière les visages savamment restitués.
C’est extrêmement précis, léché, soigné : le traitement est digne de ces dames éphémères, un superbe hommage à des vies humaines qui ont toutes quelque chose à nous raconter.
Numa Sadoul  »  

 

    

    

La soif

Eau.
Sentir.
J’avais si soif.
C’est frais.
La boue est un nectar.
Je respire.
Jour après jours,
Le soleil avait carbonisé ma peau,
Ce tortionnaire,
Ce despote totalitaire.
Mes mille doigts se brûlaient à ronger la terre.
Ils avaient beau creuser, creuser, creuser,
Il n’y avait plus d’eau.
Mon pouls faiblissait.
J’ai du concentrer ma force au centre de mon corps.
J’ai perdu beaucoup de cheveux,
L’esprit aussi, peut-être un peu.
C’était trop tôt,
Bien avant l’automne.
Maintenant le ciel se fendille, tonne,
S’ouvre et la pluie danse avec mes voisins et moi…
Ceux qui ont survécu.
Les autres, la mort les a roussit.
Ma sœur reste à mon côté,
Bien droite sur son tronc.
Nous nous sommes tenus par les radicelles.
Demain, sa chevelure de feuilles reverdira,
Épaisse.
Elle est belle ma sœur.
Nous vivrons encore,
Nous, arbres.

© Isabelle Forestier